Vendredi 1er décembre : Journée des Communautés Educatives
Comme tous les premiers vendredis du mois de décembre, les enfants n’ont pas classe et ce, pour une bonne raison, c’est la journée des communautés éducatives.
Un premier temps de convivialité pour se connaitre et présager d’un échange sans retenue pour l’après-midi de réflexions.
Ce matin par groupe, nous avons préparé le repas du midi, de la décoration à l’entrée ; un régal pour nos yeux et nos papilles. Et cela a même commencé par les courses! une belle improvisation réussie!
Cette année, nous fêtions aussi les 50 ans des communautés éducatives ; effectivement, cette entité date de 1967. Elle comprend tous les acteurs éducatifs qui gravitent autour de nos enfants : parents, grands parents, enseignants, personnels…
Cette journée permet de partager un temps de convivialité, sans barrières, et de réflexions autour de thèmes bien précis.
Après avoir pris connaissance de quelques informations sur les profils d’enfants « de nouvelle génération », et pris conscience de la différence entre adultes d’hier et enfants d’aujourd’hui, nous avons travaillé sur 4 ateliers :
Comment prendre son temps ?
Comment redonner l’envie aux enfants ?
Comment travailler l’écoute de soi?
Comment mieux être à l’écoute de l’autre?
Tous ces thèmes sont interdépendants les uns des autres, nous nous en sommes bien aperçus.
Quelques réflexions notées :
Atelier A) Prendre son temps
On se plaint souvent de ne pas avoir le temps. La société dans laquelle nous vivons (et ses moyens de communications ultra-rapides presque instantanés) nous porte à croire que nous sommes déjà en retard. Les taches qui nous sont confiées toujours plus nombreuses nous oppressent.
De bonnes âmes nous dirons avec bienveillance, que nous devons prendre soin de nous et qu’il faut savoir prendre le temps ; du temps pour soi.
Oui mais voilà… Comment faire quand il faut aller travailler, s’occuper de la maison, des enfants, et accessoirement de nous sans délaisser aucune tache ni personne?! et garder du temps pour le sommeil, ce salvateur incontournable.
Petit topo : je ne peux pas réduire le nombre de taches de la journée, je ne peux pas me cacher sous les draps, je ne peux pas laisser tomber les Autres et je ne peux pas dilater le temps (heureusement j’y trouverais encore des choses à faire en plus)…
Pourtant pour mon salut, j’ai besoin de temps pour moi, d’une respiration, d’un temps d’intériorisation, d’un temps de pleine conscience.
Lorsqu’on a posé toutes ces évidences, le questionnement devient différent :
il ne s’agit plus de savoir comment prendre du temps pour soi, de chercher des moments ou l’on nous demande rien… mais plutôt de savoir comment le vivre…
Il suffit parfois de 5 minutes pour reprendre le contrôle de la distorsion temporelle dans laquelle nous savons la sensation d’être bousculés pour enfin se régénérer. Pour cela, quelques idées : contemplation, respiration, écouter la musique… S’efforcer de faire cesser la radio mentale même quand on fait la vaisselle, bref, être là , corps et esprit au même endroit, au moment présent.
Et pour les enfants alors? comment cela peut il se traduire? Car eux aussi sont emportés dan notre tourbillonnement quotidien dont ils sont encore moins initiateurs.
Voici plusieurs idées abordées :
Pour prendre le temps et donner le temps aux élèves de construire leurs apprentissages : on devrait peut être se libérer des pressions institutionnelles et sociales en envisageant de travailler en étalant les connaissances et compétences à acquérir sur le cycle entier. Ou travailler sur une répartition par cycle des enseignements, ce qui nécessite de faire des choix en équipe.
Se poser soi-même parent, enseignant, pour ne pas léguer notre pression temporelle à nos enfants ou nos élèves. Trop souvent nous commençons notre journée en disant que nous sommes en retard. Déjà… Il n’est que 8h…
L’école peut-elle permettre à l’enfant de reprendre possession de son propre temps ; lui que le tourbillon de nos vies actives arrache à la rêverie. En tout cas, elle se doit d’essayer. C’est la condition d’un enseignement efficace.
Ainsi proposer aux enfants de rentrer en classe un quart d’heure plus tôt pour écouter de la musique (avec ou sans casque), proposer une lecture offerte, c’est garantir l’entrée dans un climat d’apprentissage serein. Ce n’est donc pas perdre son temps, c’est le mobiliser différemment pour être plus efficace ensuite.
Dans ces conditions : « perdons du temps! »
une mise en garde cependant à propos des écrans : devant les écrans, les enfants sont dépossédés de leur prise de conscience du temps. C’est comme s’ils ne vivaient plus, et combien il leur parait par la suite insupportable d’attendre quand il ne savent pas comment utiliser ce temps. Les écrans sont une fuite bien trop facile et bien dangereuse lorsque l’on sait les conséquences négatives sur la mobilisation de l’attention volontaire (endogène) nécessaire dans les apprentissages!
On voit bien que le temps est une notion d’organisation sociale, réelle, mais que l’on peut travailler subjectivement pour ne pas le subir, mais l’appréhender librement.
Pour cela il faut savoir s’écouter, se recentrer sur soi. C’est le deuxième atelier proposé.
Atelier B) Comment travailler l’écoute de soi?
S’écouter, ce n’est pas se laisser aller à écouter ses besoins, ses envies.
S’écouter, c’est se comprendre. C’est observer quelles sont nos limites, c’est mettre des mots sur nos émotions.
Mêmes chez les plus petits de maternelle, comme chez nos amis québécois, on peut travailler à percevoir, « ce qui nous fait non » et « ce qui nous fait oui ».
Plus tard, les mots viendront nous aider à cibler, exprimer l’émotion concernée, le besoin associée, et la réponse à trouver.
C’est le projet d’école dans son entier qui semble concerné par ces pistes de réflexions : travailler sur l’écoute de soi, permettra de travailler sur l’écoute de l’autre. En effet réussir à identifier l’état dans lequel on se trouve permet de savoir comment on va se comporter avec l’autre : si je suis déjà en colère, le dialogue est il possible, plutôt l’écoute est elle possible? si je suis de bonne humeur, je suis évidemment plus enclin à écouter l’autre.
Dans tous les cas, la réflexion suivante est bien celle de développer l’écoute de l’autre, et ce, bien avant que la relation ne soit conflictuelle. D’ailleurs si l’écoute est un processus qui devient normal, oserons nous dire naturel, il ne devrait plus y avoir de conflit.
Atelier C) Comment donc travailler l’écoute de l’autre?
Ecouter l’autre devient une vraie préoccupation de société. Communiquer n’est plus un art, il devient une nécessité : combien croient avoir dit les choses alors qu’ils les ont juste pensées? combien avaient des attentes insatisfaites et non exprimées et deviennent en colère ou frustrés parce qu’ils ne se sont pas exprimés ; peut être ont ils jugé cela trop évident? Mais voilà… Cela ne l’était pas.
Dans tous les cas, apprendre à nos enfants, nos élèves à dire les choses et aller jusqu’au bout de leur raisonnement, de leur capacités à identifier leur émotions s’avère primordial. Mais sans écouter, pas de discours.
Alors effectivement apprendre à écouter l’autre ET apprendre à dire les choses et à les accueillir sont indissociables. Ainsi la proposition d’établir des conseils coopératifs dans chacune des classes a été retenue.
Il en a été de même sur la proposition de travailler « le message clair ».
Le message clair nécessite de savoir : à quoi il sert, d’avoir les mots pour le dire, d’avoir la technique verbale pour le formuler, et de savoir quoi faire s’il ne semble pas aboutir. Dans tous les cas, il commence par la volonté d’en faire un par l’un des enfants : « je vais te faire mon message clair »…
Si ce travail porte ses fruits à l’échelle de l’école (et nous espérons plus encore) : cela signe la réduction nette des conflits, la résolution des soucis par les élèves eux-mêmes, et nous pourrons nous adultes prendre exemple sur eux.
Le climat scolaire et les apprentissages ne peuvent que s’améliorer. Et le temps des maîtresses, des parents s’en trouver apaiser… ça donne à réfléchir…
Atelier 4) Comment redonner l’envie aux élèves
Finalement redonner l’envie aux élèves de travailler, c’est leur permettre de retrouver leur place d’élève. Si pour certains d’entre eux, la question ne se pose pas, elle est de plus en plus prégnante pour une majorité.
Redonnons donc le temps aux élèves de se poser, redonnons le temps aux élèves de reformuler les consignes, et ils retrouveront l’envie car il n’y aura plus d’obstacles…
Redonnons nous le temps d’expliquer, sans tomber dans l’utilitarisme, car les capacités de projections concernent déjà ceux qui réussissent, ou ceux pour qui le sens de l’école va de soi… Expliquer en donnant du sens à ce qu’ils font en travaillant par projet, dans une échelle de temps palpable car le « travailler pour plus tard, avoir un bon métier » n’a plus de sens aujourd’hui.
Mais, réaliser un projet « théatre » qui va permettre de mobiliser plusieurs compétences : d’écriture, d’oral, de littérature, de constructions plastiques, de mesures mathématiques, de connaissances et compétences artistiques, voilà qui donne du sens à nos élèves et replace l’école dans une estime cohérente.
L’enjeu est bien celui là finalement : redonner l’envie aux élèves d’apprendre, c’est bien redonner du sens à ce qu’on fait à l’école sans avoir le discours du « c’est utile ». Travailler le sens de l’école, c’est travailler sur une estime toute neuve plus attrayante des apprentissages, puisque l’école ne va plus de soi aujourd’hui.
A poursuivre donc une réflexion sur « une école estimée »…
Du temps, des projets, un élève acteur, un élève soucieux d’écouter l’autre, une façon de voir l’école autrement, telles ont été les pistes explorées lors de cette journée de la fraternité, où parents, enseignants, personnels, ont pu échanger librement.
En ce temps de l’Avent qui annonce la proximité avec Dieu, un Dieu qui s’est fait homme pour se rapprocher de nous, quoi de plus chrétien et quoi de plus humaniste que ces réflexions menées en ce jour de fraternité des communautés éducatives.
Merci aux présents qui ont saisi tout l’enjeu de cet échange commun.
Et promis pour l’année prochaine, nous nous organiserons pour accueillir les enfants dont les parents tenaient à se joindre à nous.
Car les points de vue de chacun font la richesse de notre réflexion et des orientations menées pour les années à venir.